Aller au contenu

Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/191

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 100 )

celui de la terreur ; le ſecond m’emporta avec impétuoſité… Courant, autant que je le pouvois, tirant ma fille par la main, j’approchai… Quel ſpectacle pour une ame ſuſceptible de ſentiments extrêmes ! Cette tombe, cette tenture funebre, cet appareil de mort, me firent perdre l’idée de tout ce qui exiſtoit. Je me proſternai, en pouſſant une eſpece de rugiſſement. Je collai mon viſage ſur la terre… J’aurois voulu entr’ouvrir ſon ſein pour m’y renfermer avec celui dont elle me cachoit la dépouille… Aux cris redoublés de ma fille, je me relevai ſur mes genoux, & lui jettai un regard qui la fit reculer… Malheureux enfant, lui dis-je, tu ne reverras jamais ton pere… Il eſt là, & c’eſt moi qui l’y ai précipité… Ah ! que tu me haïrois un jour, ſi tu pouvois connoître le bonheur dont je t’ai privée !

Sans doute, en lui parlant, ma phyſionomie avoit changé, puiſqu’au-lieu de la frayeur qui d’abord l’avoit ſurpriſe, elle me tendit les bras d’un air timide, mais careſſant.

A ce mêlange de tendreſſe & d’horreur, je retombai ſur la terre froide, & preſqu’inanimée. Des payſans que j’avois eus pour témoins de cette ſcene, me ſecoururent, & m’aiderent à regagner le château.

Bientôt après, Monſieur des Salles m’arracha de ce triſte lieu, pour me ramener à