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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/36

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vers mon appartement,… s’étoit arrêté ; & avoit repris, ſans rien dire, le chemin du ſien.

Alarmée de ce que j’entendois, n’oſant preſque parler, de peur de me trahir, je me mis promptement au lit pour cacher mon embarras, & délibérer plus librement ſur ce que j’avois à faire.

La timidité s’étoit emparée de moi ; je redoutois ma mere, mon mari, juſqu’au dernier de mes valets ; mais rien n’approchoit des tranſes cruelles que le Comte m’inſpiroit : ce Rozane ſi ſévere, dont la phraſe ſur les femmes égarées, étoit encore récente à ma mémoire.

Rozane s’étoit rendu mon complice, ſans perdre le droit de me mépriſer, par la différence des préjugés. Que cette penſée rendit mes regrets cuiſants !… J’en fus bourrelée.

A force d’errer dans un dédale obſcur, je crus appercevoir quelque lueur, quelque moyen d’échapper au mépris, particuliérement à celui du Comte : il s’agiſſoit de prudence, de décence, de réſerve, & je me promis d’en avoir.

Ce n’étoit pas tout, il falloit gagner de vîteſſe les réflexions du Comte : je ne le pouvois que dans une entrevue, ou par une lettre ; la premiere, plus agréable, ſans dou-