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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/56

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il appréhende les propos, il tremble devant ma mere… Ses tons d’importance ne vont qu’à m’intimider, & rien de plus. Je le connois ; jamais il n’oſeroit pouſſer à bout une femme à laquelle il doit ſon exiſtence dans le monde. Eh ! s’il le faiſoit, demanda Rozane ; ſi votre mere ne vous ſoutenoit pas contre lui, qu’oppoſeriez-vous à la violence ? Ah ! ne faiſons point de ſuppoſitions chimériques… Vous êtes maître d’agir comme il vous plaira, mais ce ne ſera pas de mon aveu que vous céderez aux caprices injuſtes d’un homme que tout oblige à me ménager. J’avois l’eſprit en déſordre, le cœur mécontent ; cependant, au-lieu de travailler à remettre un peu de calme dans mon intérieur, je ne cherchai préciſément qu’à m’étourdir… Parée comme Flore, je me produiſis avec confiance dans un cercle brillant… J’agaçai tous les hommes ; je me fis haïr de toutes les femmes… Je jouai follement, je perdis, je fis perdre… J’atteignis la fin du jour, ſans avoir penſé quatre minutes.

En rentrant chez moi, j’appris un fait aſſez peu conſidérable en ſoi, & pourtant très-capable d’alarmer quelqu’un plus ſuſceptible de réflexion que je ne l’étois. Murville, ſans aucun prétexte apparent, avoît chaſſé un de mes gens, celui-là même