Aller au contenu

Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 58 )

plus mauvaiſe, & nous forceroit de prendre des voies… donc vous auriez à vous repentir toute votre vie.

Quel renverſement d’idées ! Quelle révolution ne ſe fit-il pas dans mes ſentiments ! Dix heures auparavant, je n’étois occupée que de plaiſirs : idole du monde, de l’amour, de la fortune, j’aurois défié le fort d’abattre les trophées de ma vanité ; en cet inſtant toutes ces chimeres diſparurent ; je ne vis plus qu’une ſolitude affreuſe, un abandon général, une chaîne de peines, d’humiliations, qui ſe prolongeoit à l’infini… Mon mari, dont j’avois bravé le reſſentiment, ne me parut plus qu’un vengeur armé pour m’accabler. Ces images, bien que confuſes, me glacerent de terreur… Je ne fis qu’un cri, & perdis preſqu’entiérement la connoiſſance. Murville appella mes femmes, leur ordonna de me ſecourir, ſortit, revint, m’offrit ſon bras pour deſcendre, avec la même tranquillité que ſi nous étions partis pour une fête.

Aucun de mes gens ne paroiſſoit, j’en étois effrayée ; & le fus bien davantage, quand je ne vis monter dans la voiture, après moi, que Murville & Julie, celle de mes femmes en qui j’avois le moins de confiance, parce qu’il lui en témoignoit beaucoup.