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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/64

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Dans la proſpérité nous ne regardons nos domeſtiques, que d’une prodigieuſe diſtance, & croyons toutes leurs facultés bornées aux ſecours phyſiques que nous en recevons : nos malheurs les rapprochent de l’égalité ; quiconque, alors, ſait nous écouter & nous plaindre, a droit au titre de notre ami. J’en fis l’expérience à l’égard de Marcelle ; l’origine de mes chagrins lui étoit connue ; c’étoit la ſeule perſonne avec qui je puſſe m’en entretenir ; ſon abſence m’enlevoit ma dernière conſolation : ce ſurcroît de dureté me rendit la parole, dont je ſemblois avoir perdu l’uſage depuis ma défaillance. Où eſt Marcelle ? demandai-je, en m’élançant ſi rapidement ſur la portiere, que Murville jetta ſes bras autour de mon corps, pour m’empêcher de tomber. Où eſt-elle ? répétai-je : qu’on l’appelle, je veux qu’elle vienne, je veux l’emmener… Qui que ce fut ne ſe mettoit en devoir de m’obéir… Marchez, dit Murville au Cocher, ſans daigner m’adreſſer un mot… Les chevaux partent, mes cris ceſſent, un profond ſilence s’établit entre nous, & n’eſt quelquefois interrompu, que par mes ſoupirs & mes ſanglots.

Après une heure & demie de marche, nous arrivâmes à Aulnai, maiſon charmante, dont je jouiſſois depuis la profeſſion de ma ſœur. Je me crus au terme de mon