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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/72

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gens travailloient à une demi-lieue d’ici ; ils ont vu Monſieur côtoyer le grand chemin, l’air rêveur, la tête baiſſée, portant ſon fuſil ſous ſon bras… Un domeſtique qu’il avoit envoyé hier au ſoir à Paris, l’a joint près du bois qui termine votre Terre, & lui a remis une lettre. Il a poſé la croſſe de ſon fuſil, s’eſt appuyé ſur le bout du canon, a ouvert ſa lettre, qu’il liſoit, quand un Cavalier, vêtu & monté comme un Marchand de campagne, s’eſt montré au détour du bois, à quinze ou vingt pas de diſtance. Monſieur, qui ſans doute le connoiſſoit, a fait un ſigne de la main pour l’obliger de s’arrêter : il a ſerré ſa lettre, repris ſon fuſil, ſans s’appercevoir qu’il s’étoit embarraſſé dans des herbes longues & traînantes ; la ſecouſſe qu’il a donnée pour l’en arracher, a fait partir le coup, dont il a été renverſé mort ſur la place. Le Cavalier eſt deſcendu pour le ſecourir : le trouvant ſans vie, il a crié à ces Payſans de le rapporter au Château ; s’eſt remis en ſelle, a repris la route de Paris, au grand galop de ſon cheval.

Ce récit me rendit le calme à certains égards. Je jouis délicieuſement du bonheur de n’avoir plus à regarder dans mon amant, le meurtrier de mon mari ; mais pourquoi n’étoit-il pas venu juſques chez moi, puiſ-