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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/73

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qu’aucun obſtacle ne s’y oppoſoit ? Car je ne doutois pas que ce prétendu Marchand ne fût lui-même, & cela étoit vrai.

La précipitation, la ſingularité de mon départ, plus encore la tournure de mon billet, l’ayant jetté en d’horribles inquiétudes, il ſe rendit chez un loueur de chevaux, où il ſe déguiſa de maniere que l’œil d’un ennemi pouvoit ſeul le reconnoître. Témoin… Cauſe peut-être de la mort du Baron, ſentant combien il importoit pour lui, pour moi, qu’il ne fût pas impliqué dans cette affaire, il tourna bride, fit une diligence incroyable, rentra comme il étoit ſorti, par une porte ſecrete, & ſe remit au lit pour mieux donner le change à ſes gens. Dans la matinée il ſe montra chez ma mere, chez le Marquis, après quoi il alla ſe renfermer avec un de ſes amis, pour ne pas ſe trouver à la réception de la nouvelle qui devoit arriver ſous peu d’heures.

Cette conduite étoit trop ſage pour que je la devinaſſe ; je n’en tirai que les plus abſurdes conſéquences.

Au milieu du bouleverſement d’eſprit où j’étois, je me ſouvins qu’il me convenoit d’écrire à Madame de Rozane ; mais comment, de quel ton me ſervir avec elle ? Celui de la douleur m’en ſeroit accuſer de fauſſeté ; le contraire l’indigneroit ; une ſim-