Aller au contenu

Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 70 )

même, ſa famille à dîner, pour l’inſtruire du parti qu’on s’étoit cru obligé de prendre à mon égard. La préſence des valets ne lui avoit pas encore permis de parler… Mais on venoit de repaſſer au ſallon : j’allois être accuſée devant mes juges, quand la lettre de Julie arriva. Aux premières lignes, Madame de Rozane la jetta loin d’elle, ſans l’achever… Murville eſt mort ! nos enfants ſont des monſtres, dit-elle, en regardant ſon mari d’un air éperdu.

Le Marquis n’ignoroit pas ſa haine du Comte & du Baron, toujours il en avoit appréhendé les effets : ce qui avoit échappé à ma mere, lui en fit ſuppoſer de terribles… Il prit la lettre en tremblant, la lut, la communiqua à mes parents, n’y trouvant rien qui pût juſtifier le propos de ſa femme : mais auſſi, comme l’omiſſion des détails n’en détruiſoit pas le principe, qu’elle pouvoit avoir des lumieres d’après leſquelles elle s’étoit exprimée, il ſortit pour entendre le commiſſionnaire, n’oſant l’appeller en public, par la crainte de ce qu’il avoit à révéler.

Madame de Rozane ſuivit ſon mari… Le Payſan eut à ſoutenir, de ſa part, un interrogatoire ſi exact, & d’un ton ſi impoſant, qu’il ſe ſeroit trahi vingt fois s’il avoit eu à déguiſer la vérité.