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Page:Bonaparte - Œuvres littéraires, tome 1, 1888.djvu/121

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Il court chez le ministre dépositaire de sa confiance, lui expose ses doutes « Homme, lui répond le prêtre, ne réfléchis jamais sur l’existence de la société… Dieu conduit tout. Abandonne-toi à la Providence. Cette vie n’est qu’un voyage. Les choses y sont faites par une justice dont nous ne devons pas chercher à approfondir les décrets… Crois, obéis, ne raisonne jamais et travaille : voilà tes devoirs. »

Une âme fière, un cœur sensible, une raison naturelle, ne peuvent être satisfaits de cette réponse. Il porte ailleurs ses doutes et ses inquiétudes. Il arrive chez le plus savant du pays, c’est un notaire… « Homme savant, » lui dit-il, on s’est partagé les biens de la contrée, et l’on ne m’a rien donné. » L’homme savant rit de sa simplicité, le conduit dans son étude, et là, d’acte en acte, de contrat en contrat, de testament en testament, il lui prouve la légitimité des partages dont il se plaint… « Quoi ! ce sont là les titres de ces messieurs ! » s’écrie-t-il indigné ; les miens sont plus sacrés, plus incontestables, plus universels ; ils se renouvellent avec ma transpiration, circulent avec mon sang, sont écrits sur mes nerfs, dans mon cœur ; c’est la nécessité de mon existence, et surtout de mon bonheur. » En achevant ces mots, il saisit ces paperasses qu’il jette aux flammes…

Il ne tarde pas à craindre le bras puissant qu’on