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Page:Bonaparte - Œuvres littéraires, tome 1, 1888.djvu/168

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tre un amour constant ; ô Lupo, je viens aujourd’hui implorer de toi la vie ! »

Ce jeune héros, hors de lui, conserve cependant assez de force pour fuir ; mais Véronica le retient. « Je ne viens pas ici séduire votre vertu, lui dit-elle, la gloire de mon père et des miens est en danger, et c’est vous qui la menacez… Quelle horrible position est la mienne ! et si vous refusez de m’écouter, de qui devrai-je attendre la pitié ? Sinuccello ne pardonne jamais, et c’est vous qui êtes destiné à être le ministre de ses cruautés ! Lupo, pourrais-tu être le bourreau des miens, pourrais-tu porter la flamme dans ce séjour où tu passas à mes côtés les plus belles années de ton enfance ? » Déchiré par les sentiments les plus opposés, retenu par l’amour, Lupo obéit au devoir, il s’arrache avec violence et fait quelques pas pour s’éloigner, mais un cri qui lui perce le cœur l’oblige de s’arrêter, à détourner la tête, et lui laisse voir Véronica se précipitant sur sa lance, prête à se donner la mort ; il revient brusquement, arrive à temps, prend dans ses bras et arrose de ses larmes celle qui l’a vaincu sans retour, et qui, pâle, affaiblie par les efforts qu’elle vient de faire, lui dit : « Je n’ai à te proposer rien d’indigne de toi ; écoute-moi, et quand j’aurai cessé de parler, si ta gloire, si ton devoir l’ordonnent, tu pourras me laisser seule en proie à mon sort malheureux… Sinuccello est vieux et infirme ;