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Page:Bonaparte - Œuvres littéraires, tome 1, 1888.djvu/183

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Giocante di Leca, vieillard respecté, le Nestor du bon parti, se leva pour parler en ces termes :

« Mes infirmités, depuis bien des années, ne m’ont pas permis d’assister à vos conseils, et j’ignore les maximes que vous avez adoptées pour règle de votre conduite. Vos pères en avaient une qui était gravée dans leurs cœurs de traits ineffaçables ; la vengeance était, selon eux, un devoir imposé par le ciel et par la nature… Si ces fureurs sublimes règnent dans vos cœurs, compatriotes, courons aux armes ; mais, je le vois, cette amertume était réservée à mes vieux ans ; les méchants triompheront !… Vous délibérez et vous avez à venger, l’un un père, l’autre un frère ; celui-ci un neveu, et tous ensemble, les maux qu’a soufferts la patrie… Mais que répondrez-vous à ces martyrs de la liberté, lorsqu’ils vous diront : Tu avais des bras, de la force, de la jeunesse, tu étais libre, et tu ne m’as pas vengé ?… En recevant la vie, ne devîntes-vous pas les garants de la vie de vos pères ? Eh bien ! ils l’ont tous perdue en défendant vos foyers, vos mères, vous-mêmes ; ils l’ont pour la plupart perdue dans les supplices ou par le poignard de lâches assassins, et leur mémoire resterait sans vengeance ? Sinuccello della Rocca dans les prisons de Gênes ; Vincentellio périt comme un criminel ; Raffaëllo en qui l’on voyait revivre ce courage inflexible, cet amour patriotique qui animait vos pères, vous savez