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Page:Bonaparte - Œuvres littéraires, tome 1, 1888.djvu/360

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où je reste isolé, et sans éprouver la douceur de m’épancher. Tu m’as ôté plus que mon âme ; tu es l’unique pensée de ma vie. Si je suis ennuyé du tracas des affaires, si j’en crains l’issue, si les hommes me dégoûtent, si je suis prêt à maudire la vie, je mets la main sur mon cœur ; ton portrait y bat, je le regarde, et l’amour est pour moi le bonheur absolu, et tout est riant hors le temps que je me vois absent de mon amie.

Par quel art as-tu su captiver toutes mes facultés, concentrer en toi mon existence morale ? Vivre pour Joséphine ! voilà l’histoire de ma vie. J’agis pour arriver près de toi ; je me meurs pour t’approcher. Insensé ! je ne m’aperçois pas que je m’en éloigne. Que de pays, que de contrées nous séparent ! que de temps avant que tu lises ces caractères, faibles expressions d’une âme émue où tu règnes ! Ah ! mon adorable femme ! je ne sais quel sort m’attend ; mais s’il m’éloigne plus longtemps de toi il me sera insupportable : mon courage ne va pas jusque-là. Il fut un temps où je m’enorgueillissais de mon courage, et quelquefois, en jetant les yeux sur le mal que pourraient me faire les hommes, sur le sort que pourrait me réserver le destin, je fixais les malheurs les plus inouïs sans froncer le sourcil, sans me sentir étonné. Mais aujourd’hui, l’idée que ma Joséphine peut être mal, l’idée qu’elle pourrait être malade, et surtout la cruelle, la funeste pensée qu’elle pourrait m’aimer