fatigues et ton absence, c’est trop à la fois. Tes lettres font le plaisir de mes journées, et mes journées heureuses ne sont pas fréquentes. Junot[1] porte à Paris vingt-deux drapeaux.
Tu dois revenir avec lui, entends-tu ?… Malheur sans remède, douleur sans consolation, peines continues si j’avais le malheur de le voir revenir seul, mon adorable amie. Il te verra, il respirera dans ton temple ; peut-être même lui accorderas-tu la faveur unique et inappréciable de baiser ta joue, et moi je serai seul et bien, bien loin. Mais tu vas revenir, n’est-ce pas ? Tu vas être ici à côté de moi, sur mon cœur, dans mes bras ? Prends des ailes, viens, viens ! Mais voyage doucement. La route est longue, mauvaise, fatigante. Si tu allais verser ou prendre mal ; si la fatigue… Viens vivement, mon adorable amie, mais lentement.
- ↑
Andoche Junot, duc d’Abrantès, né en 1771 à Bussy-le-Grand,
près Semur ; étudiant en droit en 1789 ; engagé volontaire
au 1er bataillon de la Côte-d’Or en 1791 ; sergent au siège
de Toulon en 1793 ; passé dans l’artillerie, lieutenant, aide-de camp
du général Bonaparte, général de division en 1800, Gouverneur
de Paris, Commandant du corps de réserve des grenadiers ;
Colonel-général des hussards, Grand-Aigle de la Légion
d’Honneur en 1805, ambassadeur à Lisbonne en 1806, puis Gouverneur
des provinces Illyriennes. Mort fou le 29 juillet 1813.
Sa veuve, la duchesse Laure d’Abrantès, fut l’amie de Victor Hugo, de Delacroix, de Théophile Gautier, et nous a laissé de curieux Mémoires sur cette éblouissante époque.