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Page:Borel - Rapsodies, 1868.djvu/94

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Sous des baisers tremblants avortant à ma bouche.
                                        (Se levant agitée.)
Qu’ai-je dit ?… Taisez-vous, parricides fureurs !
Mon bon père, pardon… j’oubliais que tu meurs.
Si… mon sort, au contraire, est bien digne d’envie,
Car je puis acquitter la dette de ma vie.
Si je heurte la main de ce vieillard cruel,
Tu marche à l’échafaud ! Qu’on m’entraîne à l’autel !
Qu’on m’apporte des fleurs, ma robe nuptiale,
Et je crierai bien haut la syllabe fatale !
On le veut ; je le fais ; je n’aurai nul remord,
                                                  (Avec dépit.)
Ses cheveux sont tout blancs, ils exhalent la mort.
Sans doute peu de temps je souffrirai ce maître ;
Ah ! quel hymen heureux, épouser son ancêtre !
                            (S’asseyant près d’un clavecin.)
Neuf heures. Adrien, ne dois-tu pas venir ?
Tu devrais être ici : qui peut te retenir ?
Tu fais bien, ralentis tes pas, ami fidèle !
Marche bien doucement : aux genoux de ta belle
Que le sort te ravit assez tôt tu seras ;
Tous ses maux et les tiens assez tôt tu sauras.
Ne viens pas dans mon sein pour t’abreuver de peines,
Je ne suis plus à toi : va chercher d’autres chaînes !
Dieu ! je frissonne, hélas ! à ce sombre penser.
Rêves de mon printemps, revenez me bercer,