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Page:Bosquet - Une femme bien elevee.pdf/49

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portait avec une grâce qui n’avait point eu de modèle et qui désespérait les imitations.

Partout aussi elle était soutenue par la confiance du succès, car rarement sa royauté lui était disputée. Quand elle passait, emportée dans son coupé ou sa calèche par deux chevaux fièrement dressés, dont les pieds battaient un rhythme sonore sur le pavé, c’était charmant de voir avec quelle sérénité d’orgueil elle regardait la rivale qu’elle rencontrait dans un train plus modeste. Elle ressemblait au triomphateur romain dominant du haut de son char le collègue moins heureux qui recevait à pied les honneurs de la simple ovation.

Ces joies de la vanité devenaient des amorces pour l’amour. Félicien trouvait Adrienne assez séduisante pour espérer qu’elle aurait en elle toutes les ressources des vraies femmes qui savent captiver l’homme tout entier. Peu à peu, cependant, cette animation des premiers jours s’apaisa ; on entra dans la régularité de la vie ; c’était le moment où les habitudes allaient prendre leurs formes et se modeler sur les obligations, les goûts, le caractère de chacun des deux époux, ou de celui qui dominerait l’autre.