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Page:Bosquet - Une femme bien elevee.pdf/50

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On insinua d’abord à Félicien qu’il fallait aller tous les dimanches chez madame Milbert. Peut-être ne reçut-il point cette communication avec une satisfaction très-vive : un plaisir obligé a toujours peu de charme pour les esprits indépendants. Pourtant, il ne résista pas ; il était de ceux qui consentent à resserrer le champ de leur liberté, pourvu qu’ils y bâtissent une forteresse inexpugnable.

Au premier coup d’œil, les choses se passaient chez madame Milbert comme partout ailleurs dans les maisons de province bien tenues : de cinq à six heures, on arrivait ; à six heures, on se mettait à table ; après le dîner, les hommes fumaient, les femmes causaient entre elles. Quand les hommes revenaient au salon, on s’établissait autour des tables de jeu. On rentrait chez soi entre onze heures et minuit, après avoir pris le thé. Il y avait douze personnes au dîner, de vingt à trente à la soirée, et rien jamais ne faisait défaut ni dans la richesse, ni dans l’ordonnance du service.

Madame Milbert était une femme très-agréable. Elle avait dû être belle ; mais elle était parvenue à cet âge malheureux où les qualités morales et physiques des femmes com-