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Page:Bouasse - Capillarité - Phénomènes superficiels, 1924.djvu/11

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savons notre métier il ne faut pas grand temps pour cela : au surplus je vous montrerai que c’est tout bénéfice pour nous-mêmes.

En définitive une heure de cours à la Sorbonne est payée 500 ou 1 000 francs, suivant qu’il est annuel ou semestriel ; un cours en province est payé 200 francs. À ce prix on peut légitimement exiger du professeur qu’il fasse quelque chose entre ses cours que généralement un phonographe réciterait aussi bien que lui. J’en sais qui débitent mot à mot leurs cours imprimés, y compris le numérotage des paragraphes et des équations.


Mes chers collègues l’oublient trop facilement : le public, qui les paie, trouvera qu’il n’en a pas pour son argent quand il saura comment on le gagne.

Qu’on ne se méprenne pas sur ce que je dis : il faut des professeurs, il faut qu’ils vivent décemment. Mais il ne faut pas que le professeur de faculté se croie quitte envers le contribuable quand il a fait ses cours : ils seraient alors ridiculement trop payés.

Et l’on voit maintenant la sottise de distinguer deux ordres de savants : ceux qui enseignent, ceux qui découvrent.

Ceux qui enseignent sans vivre dans leur laboratoire, enseignent en dépit du sens commun ; il me reste à vous montrer que la nécessité d’enseigner ne peut qu’être utile pour la découverte. 
Certes je suis avec les professeurs de faculté qui demandent qu’on les débarrasse de l’odieux bachot. Leur imposer cette corvée n’a d’autre excuse que la peur inavouée d’abandonner le bachot aux professeurs de lycée ou le désir d’une économie de bouts de chandelles. Les professeurs de lycée déclarent que nous y sommes ridicules et n’ont pas tort ; qu’ils le gardent pour eux seuls puisqu’ils le croient nécessaire ! Quant à l’argument que messieurs X, Y, Z, illustres savants, ne jugeaient pas au-dessous de leur génie de le faire passer, je conseille de ne pas trop le faire sonner ; la vérité est que les illustres X, Y, Z, y étaient honteusement malhonnêtes, corrigeant les copies par-dessous la jambe, expédiant 20 oraux entre 9 h. et demie et 11 heures !




Ce qui manque le plus à nos savants contemporains est une connaissance un peu générale de la science et de son agencement ; tranchons le mot, c’est un minimum d’instruction scientifique. La science d’aujourd’hui paraît merveilleuse à ceux qui n’y regardent pas de près ; pour les autres, c’est le plus invraisemblable gâchis.


Ce que je vais montrer par quelques exemples.


Quand j’ouvre un traité de chimie physique, je me demande avec une réelle angoisse qui est fou de l’auteur ou de moi. Je connais naturellement la théorie des systèmes homogènes et hétérogènes ; je sais à quelles conditions certaines formules ont chance d’être exactes comme première et