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Page:Bouasse - Capillarité - Phénomènes superficiels, 1924.djvu/12

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grossière approximation. Et voilà que ces formules sont appliquées à tort et à travers, dans des cas où manifestement elles ne signifient rien.

Par exemple une loi vraisemblable pour un gaz parfait ou pour une solution infiniment diluée, est utilisée pour représenter les propriétés d’une solution quasi saturée.

Une loi qui implique la constance d’une chaleur de transformation et son indépendance de la température, est traînée tout le long du volume sans aucune restriction ni spécification.

Nous avons une théorie classique de la Capillarité, sujet pour lequel la bibliographie compte au moins deux mille numéros ; j’en ai bien lu 500. Des gens très habiles ont peiné pour nous dire quand elle vaut et quand elle ne vaut pas : nos chimico-physiciens n’en connaissent pas le premier mol.

Pourquoi cet effroyable gâchis ? Tout simplement par ce qu’on veut aujourd’hui découvrir sans fatigue quelque loi bien générale, ce qui est beaucoup plus avantageux et plus facile que de faire en conscience un bon travail expérimental. Certes la loi générale sera reconnue fausse dans quelques années ; qu’importe, si d’ici là nous avons récolté des honneurs et de profitables récompenses !

Il est clair que si nos physico-chimistes connaissaient un peu mieux la nature et la complexité des problèmes qu’ils résolvent si allègrement, ils auraient honte de leurs approximations insoutenables et de leurs généralisations précipitées. Aussi voient-ils sans enthousiasme des ouvrages comme les miens qui les forcent à réfléchir sur l’ensemble de la question et mettent en garde le lecteur contre leurs élucubrations hâtives.

J’avais dans le temps un collègue qui disait : « Seule m’intéresse la constitution de la matière. » Comme sur ce point, assurément fondamental, des expériences bien faites ne fournissent des lumières qu’à la longue et après beaucoup de travail, il se contentait de ne rien faire.

Nos physico-chimistes n’en font pas davantage mais découvrent une loi générale tous les matins : une idée par jour !

Et les idiots les trouvent très forts.




Voilà le lecteur prêt à comprendre le profit à tirer du professorat : un peu de modestie et de conscience.

Que nos illustres chimico-physiciens soient astreints à faire un cours sur la Capillarité, à moins que le bluff ne fasse essentiellement partie de leur nature, voyant le problème des actions superficielles dans son ensemble ils nous feront grâce de leurs imaginations désordonnées. Nous ne perdrons à leur prudence que des lois inexistantes et des aperçus hasardeux. À cette étude ils gagneront quelque pudeur. S’ils ont de la valeur, ils trouveront matière à exercer leur sagacité : à l’édifice ils apporteront leur pierre de taille, au lieu des pavés de carton peint dont ils nous gratifient généreusement. Ils perdront peut-être l’admiration des imbéciles et des Membres