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Page:Bouasse - Capillarité - Phénomènes superficiels, 1924.djvu/15

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Hélas ! ces conseils désintéressés ne sont pas suivis, au moins hors de nos frontières : en file mes livres font le tour du monde.

Quoi qu’il en soit, nos amateurs de théories générales et transcendantes en arriveraient bientôt à la conviction que les grandes synthèses ne servent ni pour renseignement, ni pour la découverte. Pour renseignement, c’est évident : pour la découverte, c’est un fait d’expérience.

D’une découverte quelconque, même parmi les plus importantes, étudiez la genèse. Vous trouverez toujours une hypothèse directrice réalisée sous forme concrète dans l’esprit du savant qui découvre ; vous serez surpris du peu de précision mathématique qu’avait ordinairement ce postulat.

L’erreur fondamentale des mathématiciens est de croire qu’on découvre grâce à des formules : on découvre avec des images, on organise avec des formules.

Les découvertes sont toujours dues à des hypothèses particulières, se traduisant par des mécanismes grossiers mais facilement imaginables ; souvent à l’origine d’une découverte est un raisonnement erroné, mais conduisant à une représentation concrète.

Cette règle s’applique même aux parties de la science assez avancées pour que rien n’eût empêché de tirer le fait des formules. Témoin la fameuse expérience du pendule de Foucault. Foucault part de l’hypothèse que le plan d’oscillation tourne le moins possible ; un raisonnement faux le conduit fi la loi du sinus de la latitude. Ensuite viennent les mathématiciens qui, dans les équations du mouvement relatif, retrouvent la loi vérifiée par l’expérience.

Depuis un demi-siècle ils connaissaient les équations ; ils n’avaient pas été capables d’y voir le phénomène.




On ne peut certes m’accuser de croire aux théories. Les jeunes savants d’aujourd’hui ne devraient pas oublier qu’ils tétaient encore quand Duhem et moi montrions, chacun de notre côté et par des arguments différents, le caractère pragmatique des théories physiques. Mais si Duhem vivait encore, il serait de mon avis que, si l’on ne doit pas chipoter sur les postulats, faut-il encore qu’on les puisse comprendre ; faut-il aussi ne pas dénuder Jacques pour vêtir Paul.

Mais la condition essentielle d’un procédé honnête vis-à-vis-de Jacques est de soupçonner son existence, ce qui me ramène à mes moutons.

Parlons un peu de la théorie d’Einstein.

Je n’y comprends rien et ne suis pas le seul dans mon cas puisque quelques centaines, pour ne pas dire quelques milliers de personnes nous expliquent ce qu’elle signifie. Apparemment s’ils comprenaient eux-mêmes, tant de gens n’éprouveraient pas le besoin de nous expliquer comment ils comprennent. C’est la première fois depuis que la physique existe, qu’une théorie a besoin de tant de commentateurs qui du reste ne