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Page:Bouasse - Capillarité - Phénomènes superficiels, 1924.djvu/16

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s’entendent pas. Nous avons eu la joie d’assister à un procès (première instance et appel) où le demandeur montrait des lettres olographes d’Einstein déclarant que nul n’avait aussi bien saisi le fonds de sa pensée, alors que le défendeur s’efforçait de prouver que nul n’avait aussi complètement déraisonné.

Je n’ai pas à prendre parti. Ces messieurs ont trouvé une nouvelle définition du sens commun qui devient naturellement leur propre manière de penser : aujourd’hui les mots perdent leur sens vulgaire.

Dans une brochure qui les mit hors de leurs gonds, je me suis borné à leur demander comment ils voulaient qu’on enseignât l’optique, tout disposé à les suivre si leur méthode était plus courte et plus facile que la méthode traditionnelle. On ne saurait croire les sottises qui m’ont été répondues : ces messieurs auraient bien mieux fait d’avouer, ce qui se trouve imprimé dans la thèse de l’un d’eux, que l’optique des interférences, de la diffraction, de la polarisation elliptique et rotatoire est une vieille rengaine dont ils n’ont cure ; qu’il s’agit de l’émission ; que le reste s’arrangera comme il pourra, ayant perdu toute actualité, par suite tout intérêt scientifique (toute chance de valoir des prix académiques et des places au Dépôt).

L’un a bien voulu m’apprendre qu’aux dernières nouvelles Einstein retrouvait l’éther au bout de sa théorie ; l’autre que cete théorie conservait l’éther comme première approximation, mais par rapport à un système particulier de référence ; un troisième que grâce à cette théorie on peut faire presque complètement abstraction de l’éther ; un quatrième qu’il existe un milieu transmettant les perturbations, mais qu’il faut le considérer comme un pur espace géométrique.

À quoi je réponds en toute humilité que je ne tiens pas spécialement au mot éther, mais qu’indépendamment de toute existence réelle de l’éther, existence dont je me soucie comme d’une noisette, il n’est peut-être pas inutile de se rappeler le sens des mots.

Il est entendu, dans ce qui suit, que l’existence est pour moi une existence fictive, un postulat que nous mettons à la base d’un système d’explications, une manière commode de grouper les résultats pour les mieux retenir et pour en découvrir de nouveaux.

Il est d’abord évident que cette existence, toute fictive, toute pragmatique qu’elle soit, est ou n’est pas : jusqu’à présent on a toujours admis que l’existence n’a pas de degré. On n’existe pas en première approximation ou presque complètement ; on existe ou l’on n’existe pas : je vous laisse l’alternative. Je ne défends à personne de reléguer dans le placard aux accessoires inutiles l’existence d’un milieu qui transmet l’énergie, de remettre en honneur les théories d’émission. Je demande simplement qu’on dise si l’on maintient les théories ondulatoires ou si l’on est décidé à les abandonner.

Dans la seconde hypothèse je demande à nouveau comment enseigner l’optique classique qui implique essentiellement l’existence d’un milieu.