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Page:Bouasse - Capillarité - Phénomènes superficiels, 1924.djvu/17

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Au cas où l’on maintient, le milieu, force est bien de lui supposer des propriétés : c’est un non-sens de le considérer comme un espace purement géométrique. Mais, insiste-t-on, qu’est-ce que cela peut vous faire puisqu’en tout état de cause vous ne soutenez pas l’existence réelle de ce milieu.

Moi, ça m’est bien égal ; cela ne m’empêchera ni de dîner ni de dormir ; seulement je trouve que vous raisonnez comme des pantoufles. Quand on admet un système d’explications, la règle du jeu est de faire comme si son existence était réelle.

Partons-nous du postulat d’un milieu (par opposition aux actions à distance) : nous devons lui prêter les propriétés qui conviennent ; ce n’est donc pas un pur et simple espace géométrique.




Un de leurs grands arguments en faveur de la théorie d’Einstein est qu’elle réalise l’unité.

L’unité de quoi, Seigneur ! Si ces messieurs se donnaient la peine d’apprendre la physique classique, ils y verraient un invraisemblable enchevêtrement d’hypothèses particulières, plus arbitraires les unes que les autres. Nous passons notre temps à donner aux atomes, aux molécules, aux ions, aux électrons des propriétés qui n’ont rien de nécessaire et qui ne sont là que pour amener certains résultats expérimentaux.

C’est ce que nous appelons expliquer les phénomènes.

Alors même que vous admettriez la multiplicité des temps, vous n’en serez pas moins forcés d’introduire le fait expérimental (par exemple) que certaines radiations, repérées comme il vous plaira, sont les unes absorbées, les autres transmises par un certain milieu matériel.

On dirait à vous entendre que la physique est dans un état si avancé qu’il suffit maintenant d’en coordonner les diverses parties. Ignorez-vous que les phénomènes qui consentent à rentrer dans nos théories particulières, constituent pour l’heure une honorable exception ? Ignorez-vous que l’on ne retrouve au bout d’un sorite que ce qu’on a mis dans les prémisses ? Comment avez-vous l’impudence de dire au public qu’une formule simple contient l’armée des hypothèses particulières que nous avons été forcés d’introduire le long du chemin ?

Sinon, à quoi rime votre soi-disant unité ?

Mais il est moins pénible d’écrire des équations que de faire des expériences ; à les résoudre on remplit beaucoup plus de pages en un temps donné ; qu’importe le contenu puisque personne ne le lira ! Il y a 30 ans on se plaignait en France de ce que les expérimentateurs ignoraient les théories. La roue a tourné : il n’y a plus d’expérimentateurs parmi les jeunes ; on ne voit que des mathématiciens ignorant les phénomènes.

Leurs thèses soi-disant expérimentales sont d’une pauvreté navrante.