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Page:Bouasse - Capillarité - Phénomènes superficiels, 1924.djvu/18

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Qu’ils enseignent la physique : ils seront forcés de l’apprendre. Peut-être alors finiront-ils par comprendre l’inutilité foncière des vastes synthèses !

Peut-être éviteront-ils le ridicule de tonnes de papier noircies à propos d’une théorie qui, aux dernières nouvelles, s’effondre piteusement par la base. L’éminent savant Lorentz assistait à cette expérience cruciale : on nous raconte qu’il en fut vivement impressionné.


Je n’ai pas de peine à le croire.


Une seule chose m’étonne : qu’on ait tant tardé à réaliser sur une montagne l’expérience fondamentale Michelson-Morley, alors que tout le monde savait que, vu l’énorme volume de. la Terre, un entraînement de l’éther à sa surface était vraisemblable.

Je suis loin de regretter toute cette histoire, d’abord parce qu’elle est amusante, ensuite parce que peut-être elle amènera nos jeunes savants à plus de respect pour la science traditionnelle.




Vous connaissez assurément l’histoire de la Dent d’Or.

En ce temps-là on apprit dans les Académies qu’un enfant avait une dent d’or. Immédiatement les Membres se divisèrent en deux dans, l’un pour l’existence, l’autre contre. Rapidement on en vint aux injures : des procès naquirent, de mauvaises paroles volèrent, des mariages furent rompus, des neveux déshérités, des familles désunies.

Le désir de se distinguer créa bientôt des sous-partis. Ceux qui soutenaient l’existence, se disputèrent sur les modalités. L’un prétendait que la dent ne pouvait être qu’à droite, l’autre à gauche… ; toute la rose des vents y passa. Certains démontrèrent que l’or de la dent était, non de l’or minéral, mais bien un or animal de poids spécifique moindre ; la théorie des isotopes (alors connue sous le nom de grand œuvre) fut invoquée. Un autre admettait l’existence, mais pourvu qu’on accordât qu’il s’agissait d’un lusus naturæ, qualificatif sous lequel il désertait dans le camp adverse : on y consentit pour ne pas perdre une voix.

La tranquillité publique était compromise, la discorde descendait dans les masses qui, sans y rien entendre, prenaient violemment parti : on était dentiste ou anti-dentiste. Ce fut une plateforme pour les élections législatives. Un dentiste ayant été malmené par un antidentiste, on craignit des émeutes. Le gouvernement dut renforcer la police : mais on se battit dans les corps de garde.

La situation devenait critique quand un sage fit observer qu’il était prudent de vérifier le fait.

On nomma des experts ; mais onques ne retrouva-t-on l’enfant ni la dent.

Les sages s’en firent une pinte de bon sang ; les autres faillirent en crever de dépit.