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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/115

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cune idée du pays, qui ne sont point acclimatés et qui font leur premier pas dans le lieu, dans le temps le plus critique ? J’avais conseillé d’envoyer dès l’hiver des hommes destinés à cette entreprise, afin qu’ils eussent le temps d’accoutumer leur corps au climat et leur esprit aux affaires ; mais il en aurait coûté quelques mois de gages à la Compagnie et cette considération-là a tout arrêté et coûtera des millions. Adieu, je pars décidément demain sur la Cousine avec tous les gens que je t’ai dit ; mais je commence à croire que l’abbé Miolan n’ira point à Galam et qu’on lui a fait peur. Je n’en suis point fâché, car il m’est fort utile et je tâcherai de le lui rendre. Adieu encore ; je te baise comme un lézard qu’on vient de surprendre dans mon jardin baisant Mme son épouse ; ils ne se sont point dérangés et j’ai défendu qu’on les troublât.


Ce 11, à bord de la « Cousine ». — Me voici sur la Cousine. Ce nom-là me rappelle un peu les erreurs de ma jeunesse, mais j’espère n’en être pas aussi tourmenté en Afrique qu’en Lorraine. Tout ce qui est autour de moi languit ou vomit ; moi-même je ne suis pas dans mon assiette ordinaire, parce que j’abhorre la mer et que cette haine-là, jointe aux incommodités des petits bâtiments, agit un peu sur mon physique. Mais cela ne va jamais au point de me faire perdre la force, ni l’appétit, ni le souvenir de cette bonne femme, qui n’aurait sûrement pas craint de suivre son second mari sur les mers, si elle n’avait pas été obligée à garder le nom du premier. Adieu, chère enfant, je vais me coucher en plein air et regarder parmi toutes les étoiles s’il y en a une aussi jolie que toi.