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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/39

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AURORA FLOYD

dépareillé, car il ne put trouver l’autre, qui le séduisit tout particulièrement. Ce pistolet était joli comme un joujou de femme, et assez petit pour tenir dans la poche d’une dame ; mais le chien s’abattit sur la cheminée, quand Steeve pressa la détente, avec un petit bruit sec qui ne présageait rien de bon.

— Quand on pense qu’une petite chose comme cela pourrait tuer un gros homme comme vous, — dit Hargraves avec un signe de la tête dans la direction de la loge du nord.

Il tenait encore ce pistolet à la main, quand la porte s’ouvrit tout à coup, et Aurora parut sur le seuil.

Elle parlait en ouvrant la porte, avant même de pénétrer dans la chambre.

— Cher John, — dit-elle, — Mme Powell demande si le Colonel Maddison dîne ici aujourd’hui avec les Lofthouses ?

Un frisson la fit reculer, et un tremblement l’agita des pieds à la tête, quand ses yeux rencontrèrent le visage détesté de l’idiot au lieu du regard aimé de John.

Malgré la fatigue et l’agitation qu’elle avait endurées pendant ces quelques derniers jours, elle n’avait pas l’air malade. Ses yeux brillaient d’un éclat surnaturel, et une animation fiévreuse colorait ses joues. Ses mouvements, toujours impétueux, étaient, ce jour-là, impatients et saccadés, comme si son corps eût été chargé d’une dose formidable d’électricité, au point qu’il semblait à chaque instant qu’un orage terrible allait éclater.

— Vous ici !… — s’écria-t-elle.

Dans son embarras, l’idiot ne savait que répondre pour excuser sa présence. Il ôta sa vieille casquette en peau de loutre, et la roula dans ses grosses mains ; mais il se borna à ces seuls témoignages de respect pour la femme de son ancien maître.

— Qui vous a envoyé ici ? — demanda Mme Mellish ; — je croyais qu’on vous avait défendu de reparaître dans ce château… dans l’habitation, du moins, ajouta-t-elle, et ses joues se coloraient du rouge de l’indignation, — puis-