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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/46

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AURORA FLOYD

gligés et mal peignés, son menton non rasé, bleui par une barbe de deux jours, et sur lequel on voyait encore les traces des liqueurs absorbées dans la nuit ; ses mains sales, supportant un menton plus sale encore, et ses coudes sortant par les manches trouées de sa veste malpropre ; c’est dans cet appareil peu séduisant qu’il se tenait accoudé sur une table dans une attitude insolente d’indifférence. Ses traits n’exprimaient rien que le mécontentement de son sort et le mépris pour l’opinion des autres. Toutes les homélies qu’on pourrait prêcher sur le thème banal de la beauté et de son peu de valeur en elle-même, ne produiraient jamais un effet plus puissant que cette preuve muette présentée par Conyers tel qu’il était en ce moment. La beauté est-elle donc si peu de chose ? se serait-on demandé à la vue de l’entraîneur et de son maître. Il vaut mieux être propre, bien vêtu et convenable, que de posséder un profil académique et avoir sur le dos du linge de huit jours.

Trouvant peu d’intérêt à la conversation de Mellish, Mme Powell fit connaître sa présence, et, une fois encore, répéta la très-importante question.

— Le colonel Maddison dîne-t-il à la maison ?

— Oui, — répondit John, — le vieux camarade n’y manquera certes pas. Qu’on nous donne force curry, riz bouilli et gingembre, en un mot toutes ces horribles choses dont vivent les officiers de l’armée des Indes. Avez-vous vu Lolly ?

Mellish mit son chapeau, donna une dernière instruction à l’entraîneur et sortit.

— Avez-vous vu Lolly ? demanda-t-il encore une fois.

— Oui, oui, — répliqua Mme Powell, — je l’ai laissée il y a fort peu de temps dans votre cabinet ; elle avait causé avec ce singulier individu que l’on nomme Hargraves, je crois.

— Causé avec Hargraves ? — s’écria John — et dans mon cabinet ? Mais on a défendu à cet homme de franchir le seuil de la maison, et Mme Mellish ne peut pas le voir. Ne vous souvenez-vous pas du jour où il avait battu son