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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/47

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AURORA FLOYD

chien, vous savez ? Lolly le… avait ses nerfs, — ajouta Mellish, se reprenant pour substituer un mot à un autre.

— Oh ! oui, je me rappelle cette… circonstance malheureuse, parfaitement, — répliqua Mme Powell d’un ton qui, en dépit de son affabilité apparente, disait assez que l’escapade d’Aurora n’était pas chose à oublier.

— Il n’est donc guère probable, vous le voyez, que Lolly causât avec cet homme. Vous avez dû vous tromper, madame Powell.

La veuve se prit à sourire en levant les sourcils, et secouant doucement la tête avec un geste qui semblait dire : « Me suis-je jamais trompée ? »

— Non, non, mon cher monsieur Mellish, — dit-elle avec un air de conviction. — Il n’y a pas eu d’erreur de ma part. Mme Mellish causait avec l’individu en question ; mais vous savez, c’est une sorte de domestique pour M. Conyers, et Mme Mellish peut avoir eu à faire porter quelque message à M. Conyers.

— Un message pour lui ! — s’écria John d’une voix sourde, s’arrêtant tout à coup, et fichant sa canne dans le sol par un mouvement de colère non contenue. — Quel message pouvait-elle avoir pour lui ? Qu’a-t-elle besoin de messagers entre elle et lui ?

Mme Powell rayonnait, une faible lueur jaune illumina ses yeux pâles, à la vue de la fureur de Mellish.

— Ça vient !… ça vient !… ça vient !… — criait son cœur envieux.

Et elle sentait que l’animation, la joie du triomphe colorait ses joues.

Mais bientôt Mellish retrouva du calme, il était furieux contre lui-même de ce moment de colère.

— Vais-je encore douter d’elle ? — pensait-il. — Ne sais-je donc pas assez toute la noblesse de son âme généreuse, que je suis prêt à croire aux moindres paroles et à m’effrayer de tout ?

Ils avaient fait une centaine de pas hors de la loge. John se retourna tout à coup irrésolu, comme s’il était tenté de revenir sur ses pas.