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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/48

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AURORA FLOYD

— Un message pour Conyers, — dit-il à Mme Powell ; — oui…, oui… assurément. Il est parfaitement naturel qu’elle lui envoie un message, car elle s’entend beaucoup mieux que moi à tout ce qui concerne l’écurie. C’est elle qui m’avait conseillé d’engager Cherrystone pour le Chester Cup ; je me suis entêté, et j’ai été roulé, comme je méritais de l’être, pour n’avoir pas voulu écouter ma chère femme.

Volontiers Mme Powell eût souffleté Mellish, si elle eût été assez grande pour atteindre son visage. Le fou, le fat, n’ouvrirait-il donc jamais les yeux pour voir la perte qu’il allait faire ?

— Vous êtes un excellent mari, monsieur Mellish, — dit-elle avec une douce mélancolie. Votre femme doit être heureuse ! — ajouta-t-elle avec un soupir qui disait clairement que Mme Mellish était malheureuse.

— Un excellent mari ! — s’écria John, — pas le quart de ce que je devrais être pour elle. Que puis-je faire pour lui prouver que je l’aime. Que puis-je faire ? Rien, si ce n’est la laisser faire tout ce qu’elle voudra ; et combien cela me semble peu de chose ! Mais si elle voulait brûler cette maison, pour le seul plaisir de faire un feu de joie, ajouta-t-il en montrant le château où ses yeux bleus avaient vu la lumière pour la première fois, — j’y mettrais le feu moi-même, et comme elle je la regarderais brûler.

— Allez-vous retourner chez l’entraîneur ? — demanda tranquillement Mme Powell, sans faire la moindre attention à ce débordement d’enthousiasme marital.

Ils étaient, en effet, revenus sur leurs pas, et n’étaient qu’à peu de distance du petit jardin qui entourait la loge.

— Retourner ?… — dit John, — non… oui…

Comme il faisait cette réponse négative et affirmative à la fois, il avait levé les yeux et vu Hargraves franchir la petite porte du jardin. L’idiot avait pris le plus court chemin à travers le bois ; Mellish pressa le pas et suivit Hargraves jusqu’à la porte de la loge. Sur le seuil il s’arrêta. Le porche rustique était masqué par les branches de rosiers et de chèvrefeuilles, et John ne pouvait être aperçu de l’intérieur. Il ne se mit pas résolûment et de lui-même à