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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/49

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AURORA FLOYD

écouter ; il attendit seulement quelques instants, se demandant ce qu’il allait faire. Pendant que durait cette indécision, il entendit l’entraîneur parler à son domestique.

— L’as-tu vue ? — demanda-t-il.

— Oui, je l’ai vue.

— Et elle t’a chargé d’une commission ?

— Non, elle m’a donné ceci.

— Une lettre ! — s’écria l’entraîneur avec empressement, — donne-la-moi.

Mellish entendit le bris de l’enveloppe, le froissement du papier, et sut que sa femme avait écrit à son valet. Il crispa sa vigoureuse main droite au point que les ongles pénétrèrent dans sa paume musculeuse ; puis, se tournant du côté de Mme Powell qui, debout tout près de lui, souriait doucereusement, comme elle eût souri à un tremblement de terre, à une révolution ou à toute autre calamité publique, sans en être le moins du monde émue, il dit tranquillement :

— Les ordres que donne Mme Mellish ne sauraient être inutiles ; je ne veux donc pas m’en mêler.

Disant ces mots, il s’éloigna de la loge en regardant tout droit devant lui, comme si l’étoile polaire toujours immobile de son cœur loyal le guidait à travers le dangereux océan du désespoir, et lui ordonnait de ne rien craindre.

— Madame Powell, — dit-il en se tournant assez brusquement au côté de la veuve, — je serais désolé de vous dire quelque chose qui pût vous offenser personnellement, c’est-à-dire comme à quelqu’un, habitant sous mon toit ; mais je considérerais comme une faveur que vous voulussiez bien être assez bonne pour vous souvenir que je ne veux recevoir aucun rapport au sujet des faits et gestes de ma femme, ni de vous, ni d’autres. Quoi que fasse Mme Mellish, elle le fait avec mon consentement et mon entière approbation. La femme de César ne doit pas être soupçonnée, et par Jupiter ! madame, vous me pardonnerez l’expression, la femme de John Mellish ne doit pas être espionnée.

— Espionner !… rapporter !… — s’écria Mme Powell en