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Page:Braddon - Aurora Floyd, 1872, tome II.djvu/51

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AURORA FLOYD

substantiel était en train de se préparer. Pour répondre aux questions de Mellish, elle lui dit que Mme Mellish s’était plainte d’un violent mal de tête, et qu’elle était allée dans sa chambre pour se reposer. John monta et s’avança avec précaution dans le corridor tapissé, dans la crainte que le bruit de ses pas n’interrompît le repos de sa femme. La porte de son cabinet de toilette était entr’ouverte ; il la poussa doucement et entra. Aurora était étendue sur un sofa, enveloppée dans une ample robe de chambre blanche, ses masses de cheveux d’ébène non retenues tombaient sur ses épaules en tresses onduleuses qui avaient l’air de couleuvres d’un noir de jais s’échappant de la tête de la pauvre Méduse pour se répandre dans les plis de ses vêtements. Dieu sait quel sommeil étrange Mme Mellish goûtait depuis de nombreuses nuits ; mais, par cette brûlante après-midi, elle était tombée dans un lourd assoupissement ; ses joues étaient colorées par la fièvre ; et une petite main placée sous sa tête était enfouie sous les masses en désordre de sa magnifique chevelure.

John se pencha sur elle avec un tendre sourire.

— Pauvre fille, — pensait-il ; — Dieu veuille qu’elle puisse dormir, en dépit des misérables secrets qui ont trouvé place entre nous. Bulstrode l’a quittée parce qu’il ne pouvait supporter ce que je souffre maintenant. Quel motif pouvait-il avoir pour douter d’elle ? Quel motif comparé à celui que j’ai eu il y a quinze jours… l’autre soir… et ce matin ? Et pourtant… et pourtant j’ai confiance en elle, et plaise à Dieu que je ne change jamais !

Il s’assit sur une chaise basse à côté du sofa sur lequel dormait sa femme, et reposant sa tête sur son bras, il la regardait, pensait à elle, et priait pour elle, peut-être. Bientôt il s’endormit aussi lui-même, sa respiration bruyante formait comme une basse d’harmonie à celle plus régulière et moins bruyante d’Aurora. Il dormait et ronflait, ce vilain homme, à l’heure de son trouble, et se conduisait en tout d’une manière peu digne d’un héros. Mais ce n’est pas un héros. Il est fort et vigoureusement bâti, sa poitrine est belle et large, et sa santé robuste n’a rien de romanes-