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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/132

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

velles preuves de la culpabilité de Philippe, flottait entre le passé et le présent, elle le prit hors de garde et il entra ex abrupto dans le sujet qui absorbait toutes ses pensées.

Les yeux de Nancy allaient du visage de Valentin au livre ouvert devant lui sur la table, et sa physionomie trahissait une vague terreur.

« Je regrette de vous avoir fait attendre si longtemps, monsieur, mais j’ai nettoyé les grilles et les garde-feux, et j’avais le visage et les mains aussi noirs que ceux d’un ramoneur. J’espère qu’il n’est rien survenu de fâcheux là-bas au bord de la mer, où mademoiselle…

— Tout ce qu’il y a de plus fâcheux, Mme Woolper, le mal est désespéré, presque irréparable ; Mlle Halliday est mal, très-mal, condamnée à mourir, si elle reste confiée à la garde de votre maître.

— Miséricorde ! monsieur Haukehurst ; que voulez-vous dire ? »

La terreur qui était peinte sur son visage n’avait plus rien de vague ; elle avait pris corps et substance : c’était la terreur la plus affreuse que jamais physionomie humaine ait pu exprimer.

« Je veux dire que votre maître connaît mieux les agents qui tuent que ceux qui guérissent. Le père de Charlotte, quand il arriva chez Sheldon, était un homme bien constitué et dans toute la force de l’âge ; il fut pris dans sa maison d’une maladie sans nom et mourut entouré des soins attentifs de son vigilant ami. Les mêmes soins entourent le lit de mort de Charlotte et elle est mourante.

— Mourante !… Oh ! monsieur, pour l’amour du ciel, ne dites pas cela !