Aller au contenu

Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
129
L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

— Elle est mourante, et comme son père elle va mourir de la main de Sheldon.

— Oh ! monsieur… monsieur Haukehurst, s’écria la vieille femme en tendant des mains suppliantes vers l’accusateur de son maître, ce n’est pas vrai… ce n’est pas vrai… Pour l’amour de Dieu ! ne me dites pas qu’une pareille chose est vraie ! Je lui ai donné mes soins quand il était au maillot, monsieur, et il n’y a pas jusqu’à la peine qu’il m’a donnée qui ne me l’ait rendu plus cher. J’ai veillé la nuit auprès de lui chaque fois qu’il était malade, ce qui arrivait souvent, et j’ai entendu la vieille horloge de l’église de Barlingford sonner toutes les heures de la nuit. Oh ! si j’avais su que pareille chose dût jamais lui arriver, je voudrais qu’il fût mort dans le petit berceau où il reposait et où il semblait si innocent. Je vous dis, monsieur, que cela ne peut pas être vrai. Son père et sa mère ont vécu honorés et respectés dans Barlingford pendant de longues années ; son grand-père et sa grand’mère avaient avant eux joui de la même estime. Il n’y a pas de nom plus honorable dans nos pays que celui de Sheldon. Et vous pensez qu’un pareil homme a pu empoisonner son ami ?

— Je n’ai pas parlé de poison, madame Woolper, » dit Valentin d’un ton sévère.

Cette femme avait tout connu et elle avait gardé le silence comme les autres.

Pour Valentin, il y avait une inexprimable horreur dans cette pensée qu’un crime avait pu être froidement perpétré au vu et au su de plusieurs personnes, et qu’aucune voix ne s’était élevée pour dénoncer l’assassin.

« Et voilà notre civilisation moderne ! se dit Valentin à lui-même. Qu’on me donne le désert et les jungles.