Aller au contenu

Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
156
L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

seulement une défaillance qui l’avait surpris. Il revint à lui après avoir avalé quelques gouttes de brandy qu’on lui avait insinuées dans la bouche à l’aide d’une cuillère et il regarda autour de lui avec des yeux égarés.

« Dieu me damne, si ce n’est pas une défaillance causée par le besoin ! s’écria le cocher. Ils se tiennent raides jusqu’à ce qu’ils tombent, ces gaillards-là, et ils se promènent, élégants comme des Dorsays, avec l’estomac vide. Eh ! quelqu’un ! apportez un morceau de viande froide et servez vite. C’est moi qui régale. »

Valentin leva les yeux, et un léger sourire se dessina sur ses lèvres.

« C’est moi qui paie tout ce qu’il vous plaira de commander, mon ami, dit Valentin en tendant la main au bon cocher. Je n’ai rien mangé depuis hier soir, mais si j’ai jeûné ce n’est pas par manque d’argent. Il y a des peines plus cruelles qu’une bourse vide et j’en sais quelque chose.

— Pardon, monsieur, dit l’homme avec embarras et très-honteux de sa bienveillance. Mais voyez-vous, ce n’est pas la première fois que je vois un beau monsieur comme vous, s’évanouir dans la rue par suite d’un jeûne trop prolongé et n’ayant pas un sou dans sa poche. »


CHAPITRE III

NON DORMIT JUDAS

La nuit enveloppa de son ombre la villa de Bayswater, mais le sommeil ne vint pour personne dans toute