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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/161

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

la maison durant cette nuit-là. Il n’est guère de maison qui n’ait gardé le souvenir de jours et de nuits semblables, pendant lesquels le cours de la vie ordinaire et du temps semble comme suspendu, où tout l’intérêt de l’univers se concentre sur la respiration plus ou moins calme d’un être cher et souffrant.

Ceux qui veillaient dans la maison de Sheldon étaient isolés les uns des autres.

Georgy était dans sa chambre à coucher, la chambre de la malade lui étant interdite, tantôt étendue sur un sofa, tantôt se promenant de long en large, tantôt priant, tantôt pleurant, accablée par sa douleur.

Dans la chambre de la malade il n’y avait qu’elle et Nancy.

Dans la chambre en face Diana veillait, sa porte entr’ouverte, tous les sens surexcités par l’anxiété, l’oreille prompte à saisir le moindre bruit de pas dans l’escalier, le plus léger frôlement d’une porte s’ouvrant ou se fermant à l’étage inférieur.

Seul dans son cabinet, Sheldon était assis devant le bureau où il avait coutume d’écrire : une feuille de papier blanc était placée devant lui, sa main tenait une plume et son regard vague restait fixé sur le casier contenant ses livres, qui se trouvait en face de lui, image vivante du souci.

Les bruits du jour avaient cessé, le silence régnait dans la maison, et il envisageait en face, sa position. Ce n’était pas une petite tâche qu’il avait à remplir, ce n’était pas une difficulté ou un ensemble de difficultés qu’il avait à affronter et dont il devait se rendre maître ; les ennemis armés, nés des dents du dragon qu’il avait semées, il ne fallait pas s’attendre à les voir se combattre les uns les autres, il ne fallait pas espérer les