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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/216

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

ment ce sont de ces choses qu’on n’oublie pas. Mais vous paraissez singulièrement froid pour cette affaire.

— Oui, je viens de passer par une de ces fournaises dans lesquelles tous les millions de la Banque d’Angleterre ne sont d’aucun secours à un homme. Ces sortes d’épreuves confondent toutes les notions sur la valeur de l’argent. Et d’ailleurs, je n’ai jamais sérieusement songé à l’héritage de Charlotte autrement que comme une éventualité éloignée. Ces affaires sont si lentes…

— Oui, mais on a marché, des affidavits ont été lancés et l’affaire est en bonne voie.

— Je suis heureux de l’apprendre. Je n’ai pas la prétention de ne pas apprécier la valeur d’une espérance de fortune. J’ai appris seulement à savoir que l’argent n’est pas le but et la fin de tout. Je serais très-heureux avec ma chère femme si elle n’avait pas en perspective les trésors de la succession Haygarth, mais s’ils doivent nous échoir nous n’en serons que plus heureux. Les millions font voir le monde sous un agréable point de vue. Je serais heureux que cette chère enfant fût propriétaire de la plus belle demeure que l’argent peut procurer.

— Oui, et vous aimeriez aussi à voir votre nom figurer parmi ceux des grands capitalistes. Ne faites pas de sentiment, mon cher Haukehurst, cela ne mène à rien. Dieu merci, nous avons réussi à arracher la fille de Tom des griffes de mon frère. Mais vous ne vous attendez pas à me voir fermer les yeux sur ce fait que l’affaire a été fort avantageuse pour vous et que c’est entièrement à moi que vous devez les chances que vous avez d’arriver à une grande fortune ? C’est un point que vous n’avez pas là prétention d’oublier, je suppose ? dit George avec une certaine acrimonie.