Aller au contenu

Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
233
L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

lentin, au mois d’octobre dernier, quand vous avez été pour voir cette tante mystérieuse, hein ? »

Valentin rougit en entendant le capitaine rappeler la fable qu’il avait imaginée pour expliquer son voyage.

« Oui, dit-il d’un ton grave, je me rappelle vous avoir dit que j’allais voir une tante à moi qui habitait Dorking.

— Une tante ayant quelque argent, n’est-ce pas, Valentin ? demanda le capitaine avec un sourire railleur.

— Oui ; il se peut que j’aie été jusqu’à parler d’un peu d’argent.

— Et il n’y avait pas plus de tante que d’argent ; tout cela n’existait que dans votre inventive imagination ; et, au lieu d’aller à Dorking, c’est à Ullerton que vous vous êtes rendu, n’est-ce pas, Valentin ? Vous vouliez par là me donner le change ; vous vouliez lancer votre vieux compagnon sur une fausse piste, n’est-ce pas ? Vous pensiez tenir en main une bonne affaire, et vous craigniez que votre vieil ami ne réclamât sa part ?

— Dame ! voyez-vous, c’est que mon vieil ami était assez dans l’habitude de réclamer la part du lion. En outre, cette bonne affaire ne m’appartenait pas. J’avais à défendre les intérêts d’une autre personne, de celui qui m’employait, en somme ; et c’était d’après sa recommandation, et pour me conformer à ses instructions, que j’ai imaginé cette fable innocente au sujet de cette tante de Dorking. Je crois qu’il n’y avait rien de déshonorant dans cette manière d’agir. Nous étions tous les deux des soldats de fortune, et le stratagème dont j’usais vis-à-vis de vous était fort innocent. Nous aurions imaginé quelque stratagème, inventé quelque fable dans les mêmes conditions. C’était une question de finesse.