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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/243

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

d’envisager sa nouvelle position : il éprouva au premier moment un vif sentiment de désappointement.

Il est impossible à la faible humanité de se montrer complètement indifférente à une fortune de cent mille livres. La vie peut être si brillante et si douce avec une pareille somme, tant de plaisirs des plus purs et des plus nobles sont accessibles à son heureux possesseur !

Mais bientôt Valentin eut acquis la conviction que l’idée que la fortune pouvait lui appartenir, ne s’était jamais emparée de son esprit, qu’elle n’avait pas fait corps avec lui-même, à ce point de ne pouvoir être arrachée de son cœur sans angoisse et sans laisser une plaie sanglante à l’endroit où elle avait germé.

Il lui semblait qu’il venait d’être réveillé en sursaut, au milieu d’un rêve brillant et merveilleux, mais la douloureuse angoisse qui résulte de désirs intéressés suivis de désappointement, d’espérances cupides cruellement trompées, n’existait pas pour lui.

Outre le sentiment d’incertitude qui ne lui avait jamais fait considérer la fortune Haygarth autrement que comme un rêve, il avait toujours présent à l’esprit les tristes événements qui dans ces derniers temps s’étaient associés à la conquête de cette fortune.

Pour elle, pour s’en emparer, en exerçant les droits de sa faible épouse, Sheldon avait attenté à la vie de la douce et aimable fille qu’ils venaient d’arracher à l’étreinte de la mort ; Le cruel souvenir de ces jours et de ces nuits de mortelle incertitude, ne pouvait plus être isolé de cet argent, cause première de toute cette lente torture.

« Croyez-vous que j’en aimerai moins ma femme parce qu’elle n’a plus de droits à faire valoir sur la succession Haygarth ? s’écria-t-il en laissant tomber un