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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/286

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

était connu pour vivre chez lui et pour travailler après les heures où se ferment habituellement les études, mais ce n’était pas le coup de marteau retentissant de ses amis ou de ses clients. S’il avait été un lecteur de romans et imbu des idées de revenants qui s’associent volontiers à cette époque de l’année, il aurait été à la porte s’attendant à voir quelque étrange fantôme portant le costume du dernier siècle, une femme en fraise et en vertugadin, qui de son vivant fréquentait les cours de justice, ou l’ombre du baron de Verulam lui-même, revenant visiter au clair de la lune l’avenue d’ormes plantée d’après ses ordres.

Mais George n’était pas homme à avoir peur des démons ou des fantômes ; ses idées au sujet des revenants se bornaient à un drap blanc au bout d’un balai et à un potiron percé de trous avec une chandelle à l’intérieur, et il aurait accueilli la plus effrayante apparition qui se soit jamais montrée, comme s’il avait eu affaire à l’un des membres de la confrérie des mauvais plaisants qui se servent du drap blanc, du balai, et du potiron creux pour effrayer les gens.

« Je sais comment on s’y prend, aurait-il dit, si le spectre lui était apparu à minuit dans le cimetière d’une église ou d’une abbaye en ruines. Vous feriez mieux d’essayer cela sur quelque autre, mon ami. »

Pour un esprit superstitieux, l’être qui franchit l’obscurité de l’antichambre et se traîna dans le cabinet éclairé au gaz, aurait pu paraître trop dégoûtant pour appartenir à l’espèce humaine.

Un cadavre de pestiféré galvanisé par la pile électrique aurait inspiré moins d’horreur à George, que le visage sur lequel son regard s’arrêta avec une colère mêlée de dégoût.