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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/295

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

Le paria laissa tomber son couteau avec soumission, il était trop faible pour tenter autre chose qu’un acte de violence.

« Ôtez votre pistolet de la direction de ma tête, dit-il d’un ton plaintif.

— Certainement, quand vous aurez repassé le seuil de ma porte.

— Vous pourriez me donner une poignée d’argent, George. Je n’ai plus une semaine à vivre.

— Il n’en vaudrait que mieux si vous n’aviez plus qu’une heure de vie. Partez ! Je suis fatigué de tenir ce revolver dirigé contre votre tête et pourtant je ne l’abaisserai pas que vous n’ayez franchi le seuil de ma porte. »

Philippe vit qu’il n’y avait aucun espoir à garder.

De la nourriture et un abri c’est tout ce qu’il avait espéré, mais même à cela il ne devait plus prétendre.

Il sortit à reculons du bureau, suivi de près par George qui l’ajustait toujours avec son revolver. Sur le seuil il s’arrêta.

« Dites-moi une chose, dit-il. Vous ne voulez pas me donner de quoi acheter du pain et un verre de gin. Eh bien ! donnez-moi une fiche de consolation. Cela ne vous coûtera rien. Dites-moi quelque chose de mauvais de Haukehurst. Est-il allé à tous les diables ou s’est-il noyé ; sa femme l’a-t-elle planté là ou sa maison a-t-elle brûlé de fond en comble ? Dites-moi qu’il a eu sa part de ma mauvaise chance ; et que Nancy Woolper est morte dans un workhouse. Cela me fera autant de bien que de boire et de manger et cela ne vous coûtera rien.

— Si je vous disais quelque chose de semblable, je vous dirais un mensonge. Haukehurst va extraordinairement bien et il a acheté une charmante petite habita-