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Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/91

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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

qu’elle contemplait les lis des champs, pouvait envier la blancheur de leurs robes, en les comparant à sa pauvre et sombre toilette. Quand les enfants lui vinrent, il parvint encore à fournir à leurs besoins, mais par un combat de chaque jour avec le loup dévorant qui hante tant de pauvres demeures dont on ne parvient qu’avec peine à le chasser. Par moments un petit rayon de soleil illuminait la route de Burkham et il en était humblement reconnaissant envers la Providence. Pour cet homme à l’air humble, animé du désir de bien faire, mais ayant une pauvre opinion de lui, de ses mérites, et des manières qui trahissaient sa méfiance et son manque de ressort, la vie devait être un rude champ de bataille.

Burkham se voyait parfois près de succomber dans la lutte, et alors, au milieu du silence de la nuit, en proie à une mortelle angoisse et se débattant comme la pythonisse sur le trépied, il se livrait à la composition d’une farce, non tirée du théâtre français, mais de ses souvenirs de jeunesse, qu’il écrivait à la façon joyeuse des étudiants de son temps, quand il allait passer ses soirées au parterre d’Adelphi. Il ne pouvait plus se donner ce plaisir, si ce n’est quand il pouvait se procurer un billet de faveur. Mais il puisait dans les souvenirs qui flottaient dans sort pauvre cerveau fatigué les éléments de petites pièces bouffonnes dont il espérait pouvoir tirer argent et renommée.

Avec beaucoup d’efforts et d’insistances, il réussit à se faire admettre au club, dans la croyance que compter parmi ses membres c’était s’assurer une position comme auteur dramatique. Mais sauf une ou deux heureuses conceptions, ses pièces furent toutes refusées. Les directeurs ne voulurent pas de ses vieilles plai-