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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/242

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LA FEMME DU DOCTEUR.

et lui fit des avances amicales ; puis un autre chien plus gros encore que le premier bondit par-dessus une haie et s’élança vers elle, et enfin une voix, dont le bruit inattendu fit tomber le livre des mains de la jeune femme, toute confuse et effrayée, une voix cria : « Ici, Frollo ! Frollo ! ici ! » Un instant après un chasseur suivi d’un troisième chien parut sur le petit pont étroit qui menait directement au banc sur lequel elle était assise.

L’ombrelle d’Isabel était tombée comme elle se baissait pour ramasser son livre, et Lansdell ne put faire autrement que de voir son visage. Nous savons qu’il la trouvait très-jolie, mais il la croyait sans intelligence, et il avait parfaitement oublié ce qu’il avait dit à propos de la visite à Mordred.

— Permettez-moi de ramasser votre livre, madame Gilbert, — dit-il. — Quel endroit charmant vous avez choisi pour vos promenades matinales !… C’est un de mes sites favoris.

Il jeta un regard sur les pages ouvertes du livre en le lui rendant, et il en vit le titre. Puis apercevant un autre volume sur le banc, près d’elle, il reconnut la couverture familière et les coins biseautés des Rêves d’un Étranger. Un homme connaît toujours la couverture du livre qu’il a écrit, surtout lorsque la publication lui a coûté quelque peine.

— Vous aimez Shelley ? — dit-il.

Il était excessivement surpris de trouver que cette jolie nullité occupait ses loisirs par la lecture de la Révolte d’Islam.

— Oh ! oui, je l’aime beaucoup… beaucoup. N’est-ce pas un grand malheur qu’il se soit noyé ?

Elle parlait de cette calamité comme si l’événement