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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome I.djvu/244

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LA FEMME DU DOCTEUR.

au milieu des oiseaux, des fleurs, de l’eau bleue courante et de l’été. On est toujours dans l’été lorsqu’on lit ses vers ; je ne sais vraiment pas lequel je préfère.

Était-ce de l’affectation ou bien une simple réalité puérile ? Lansdell était si profondément atteint de cet horrible mal, le doute, qu’il ne crut que malgré lui à l’évidence de ces rougeurs éloquentes, à l’éclat sincère de ces yeux magnifiques, qu’on ne saurait gouverner et affecter à son gré quelque habile que l’on soit dans la comédie de la vie. Les chiens, exempts de tendances misanthropiques et déjà familiarisés avec Izzie, s’étaient groupés autour d’elle et avaient posé leurs grosses pattes et leurs museaux froids et humides sur ses genoux.

— Voulez-vous que je les chasse ? — demanda Lansdell. — Je crains qu’ils ne vous ennuient.

— Non, je vous en prie, j’aime beaucoup les chiens.

Elle se baissa et les caressa de ses mains nues, laissa tomber de nouveau son livre, et se sentit toute honteuse de sa gaucherie. Édith Dombey aurait-elle sans cesse laissé tomber quelque chose ? Elle se baissa vers un magnifique chien d’arrêt à robe noire et lui effleura la tête de ses lèvres. L’animal encouragé lécha de sa grande langue rouge, en témoignage de son affection, le visage qu’on lui tendait. Mais c’était son chien ! Oui, c’en était venu là. Lansdell était cet être terrifiant et ce lui mystérieux d’innombrables romans. Pendant ce temps, Roland était resté debout sur le pont ; mais le passage était fort étroit, et comme un laboureur s’approchait sa faux sur l’épaule, Lansdell eut à choisir entre deux partis : s’éloigner ou s’asseoir sur le banc. Il s’assit donc à distance respectueuse de