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LA FEMME DU DOCTEUR.

CHAPITRE XXX.

LE COMMENCEMENT D’UN GRAND CHANGEMENT.

George était quelque chose de plus « qu’écrasé de fatigue. » La fièvre typhoïde avait sévi parmi les habitants nécessiteux de Graydbridge et ceux des villages environnants, — une mauvaise fièvre contagieuse, qui planait au-dessus des ruelles étroites et des groupes de maisonnettes comme un nuage menaçant, et le médecin des pauvres débout du matin au soir, exposé à des refroidissements brusques au milieu de la surexcitation du travail, exposé en tous temps à des températures extrêmement variées, restant longtemps sans rien prendre et oubliant absolument les plus vulgaires précautions hygiéniques qu’il était de son devoir de recommander aux autres, le médecin des pauvres, disons-nous, payait le tribut commun auquel tous les hommes de sa profession sont plus ou moins assujettis. Ah ! quelle idée glorieuse nous nous faisons du soldat qui s’élance au milieu des éclats de la trompette, du froissement des épées, et de la mise en scène guerrière qui grise ! mais comme nous faisons peu de cas du courage calme du médecin de campagne qui affronte la mort chaque jour et qui ne recule jamais devant cette dangereuse rencontre ! Gilbert avait subi une atteinte de fièvre ; M. Pawlkatt l’aîné vint de bonne heure le lundi matin, appelé par la pauvre et craintive Isabel, inaccoutumée à la souffrance, et que la première apparition