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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/171

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LA FEMME DU DOCTEUR

médecin s’assit à la petite table, tira la lettre de sa poche et l’ouvrit. C’était un billet très-court et très-peu cérémonieux, qui ne contenait que ces mots :

« J’ai trouvé un gîte convenable pour l’instant, dans un petit trou, à l’enseigne des Armes de Leicester, au fond de Nessborough-Hollow, à gauche du chemin de Briargate. Je pense que vous connaissez l’endroit, et j’y attends votre visite demain dans la journée. N’oubliez pas le nerf de la guerre et demandez surtout le capitaine Morgan.

« Bien à vous. »

Pas de signature. La lettre était écrite d’une main ferme et hardie, et les lignes s’étalaient sans crainte sur une vieille feuille de papier à lettre ; on aurait dit d’une écriture folle et prodigue, fière de la place perdue et de l’encre gâchée.

— Quelle cruauté de sa part de venir ici ! — murmura Isabel en déchirant la lettre en mille petits fragments ; — quelle cruauté de sa part ! Comme si je n’avais pas assez souffert déjà, comme si le chagrin et la honte n’avaient pas déjà été assez amers et assez durs à supporter !

Elle posa les coudes sur la table et demeura dans une immobilité absolue pendant quelques instants, le visage caché dans ses mains. Ses pensées étaient très-pénibles ; mais cette fois, par extraordinaire, elles n’étaient pas entièrement consacrées à Roland, bien que l’hôte du château de Mordred tînt sa place dans cette longue rêverie. George ne tarda pas à rentrer et la trouva assise dans l’attitude qu’elle avait prise après avoir détruit la lettre. Depuis quelque temps elle avait