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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/173

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LA FEMME DU DOCTEUR

dit Gilbert ; — je l’ai par les mêmes raisons qui la donnent aux pauvres gens ; trop de travail, exposition aux intempéries, air impur dans les endroits que je visite. Néanmoins il faut être prudent. Tu feras bien, Izzie, de te tenir à l’écart de ma chambre autant que possible ; Mathilda me gardera. C’est une femme à l’esprit viril, qui ne court pas le moindre risque d’attraper la fièvre, parce qu’elle sera la dernière à s’inquiéter du danger de la contagion.

Mais Isabel déclara qu’elle-même soignerait son mari malade. Ne cherchait-elle pas à être vertueuse, et tous les sermons de M. Colborne ne recommandaient-ils pas la charité, l’abnégation, la tendresse et la pitié ? Le populaire vicaire de Hurstonleigh était peut-être de l’espèce de ces pasteurs que certains appellent des rêveurs ; mais ses exhortations tendres, aimantes, avaient une puissance de persuasion qui ne pouvait jamais appartenir aux menaces terribles et aux avertissements sinistres d’un prédicateur plus sévère. Malgré la croyance que Austin Colborne avait dans l’existence d’une région infiniment séduisante et belle par delà cette terre de misère, il ne regardait pas le monde comme un désert affreux, destiné à servir de cachot à l’homme, dans les desseins de la Providence. Il y voyait certainement une sorte de lieu d’épreuve, une espèce d’école préparatoire, dans lesquels on ne pouvait demander que de bien petites vertus à des élèves ignorants et sans foi, avançant dans les ténèbres vers le but radieux ; mais il n’y voyait pas une maison de correction universelle dirigée par une Providence d’après les idées de M. Squeers. Il s’inspirait dans les simples récits de quatre historiens qui vivaient il y a quelque dix-huit siècles ; et dans leurs pages solen-