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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/180

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LA FEMME DU DOCTEUR.

un voyageur aristocrate et blasé, aux mains blanches et chaussé de délicieuses bottes vernies et cambrées. Elle-même maintenant s’essayait à la vertu, — charmée et fascinée par l’enseignement de M. Colborne comme par un roman récemment découvert, — elle voulait faire le bien et elle ne savait comment s’y prendre ; mais voici devant elle l’homme qu’elle avait si complètement méconnu et méprisé, qui était infiniment au-dessus d’elle dans la région qu’elle venait à peine d’entrevoir. Mais son romanesque attachement pour Roland était-il sacrifié sur le nouvel autel qu’elle avait érigé ? Hélas ! non, elle s’efforçait de tout cœur de faire son devoir, mais le vieux culte sentimental gardait toujours sa place dans son cœur. Elle était comme ces païens classiques nouvellement convertis au christianisme, mais conservant cependant un amour et un respect caché pour les vieilles déités, trop grandes et trop belles pour être rejetées tout d’un coup.

La première semaine s’écoula, et Pawlkatt venait encore deux fois par jour visiter son malade ; il donnait encore les mêmes instructions aux infatigables gardes-malades qui soignaient George. Il fallait un repos absolu, continuer le traitement et observer les précautions immuables.

Pendant tout ce temps-là, Isabel n’avait pris que peu de repos, bien que Jeffson et sa femme se montrassent tout disposés à se relayer à tour de rôle auprès de lui, et fussent quelque peu blessés d’être éloignés de son chevet. Mais Mme Gilbert voulait être vertueuse ; plus la tâche était rude, plus grande était sa joie de l’entreprendre. Bien souvent, toute seule dans cette chambre tranquille, elle passa les nuits à veiller son mari.