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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/209

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LA FEMME DU DOCTEUR

bert en vous disant cela à vous, Raymond. Je me suis montré très-confiant, très-présomptueux, je n’en doute pas, en discutant cette question avec vous. Il n’est que juste que vous sachiez que les projets que j’avais formés, à mon retour en Angleterre, ont été entièrement renversés par Mme Gilbert elle-même.

— Je suis très-heureux de l’apprendre.

Il n’y avait en réalité aucune expression joyeuse dans le ton de Raymond lorsqu’il prononça ces mots, et l’expression de gêne avec laquelle il avait observé Roland depuis une heure, ne fit que se confirmer.

— Oui, je me suis trompé en faisant tous ces grands projets d’avenir heureux. Il n’est pas facile de persuader une femme de bien de quitter son mari, si intolérable que soit la chaîne qui l’attache à lui. Les femmes de province acceptent les obligations du mariage dans le sens le plus rigoureux. Mme Gilbert est une femme honnête. Vous pouvez donc vous imaginer avec quelle douleur j’ai entendu les accusations de Gwendoline contre elle. Il faut croire que les femmes trouvent une espèce de plaisir à se calomnier réciproquement. Maintenant mettez-moi l’esprit complètement en repos ; il n’y a pas un mot de vrai… rien même qui puisse servir de base à un mensonge… dans cette accusation ; n’est-ce pas, Raymond ?

Si la réponse à cette question avait entraîné une sentence de mort, ou une condamnation aux galères, Roland n’aurait pu la faire avec plus d’ardeur. Il aurait dû avoir assez fermement confiance en Isabel pour rester impassible devant une calomnie de village ; mais il l’aimait trop pour être raisonnable ; le démon de la jalousie, étroitement uni comme un frère siamois au dieu de l’Amour, lui déchirait déjà les en-