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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/219

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LA FEMME DU DOCTEUR

decin de Graybridge depuis son retour dans le Midland, c’est-à-dire depuis que la mauvaise action qu’il préméditait contre Gilbert avait pris une marche délibérée et persistante, conduisant à une conclusion prévue. Voilà ce qu’il avait fait, et, insensiblement, il lui était devenu très-facile d’oublier un homme aussi insignifiant et aussi peu gênant que le naïf médecin de campagne, dont le seul crime était d’avoir épousé une jolie femme.

Aussi maintenant c’était à ses propres griefs, et à ses griefs seulement, que pensait Lansdell. Toutes les circonstances de la visite d’Isabel au château lui revenaient. Que dis-je ? Avaient-elles un instant quitté son esprit, excepté pendant ce court intervalle de colère qui avait fait un chaos de son cerveau ?

— L’argent qu’elle m’a demandé était pour cet homme, évidemment ! — pensait-il. — Pour qui pourrait-il être ? Pour quelle autre personne serait-elle venue demander de l’argent, à son amant dédaigné, au milieu de la nuit et avec toutes les circonstances misérables d’une action secrète et coupable ? Si elle avait eu besoin d’argent pour une cause légitime — pour quelque dette ou pour quelque embarras de femme — pourquoi ne m’aurait-elle pas écrit hardiment pour me demander la somme qu’il lui fallait ? Elle devait savoir que ma bourse était à sa disposition dès qu’elle en aurait besoin. Mais lorsqu’elle vient secrètement, tremblant comme une coupable, se compromettant et me compromettant par une visite au milieu de la nuit, n’osant pas m’avouer le motif qui lui fait demander cet argent, répondant à mes questions précises avec hésitation ou en les éludant ! Quelle conclusion tirer de sa conduite, sinon celle que je tire ?