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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/232

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LA FEMME DU DOCTEUR.

informé à Old Bailey, — le dandy qui n’avait trouvé rien de mieux à faire que de se mettre à la poursuite d’un pauvre diable qui ne lui avait pas fait tort de six pence. J’ai dit que si je sortais vivant de prison, je vous tuerais ; et je vais tenir ma promesse.

Il siffla ces derniers mots entre ses dents serrées. Ses grosses mains musculeuses étreignirent la gorge de Roland, et son visage se rapprocha assez pour toucher presque le beau visage de son adversaire, qui le défiait dans toute l’insolente fierté du courage moral, bien supérieur à toute supériorité physique. Les rayons éclatants de la lune, passant à travers une ouverture dans le feuillage, tombaient d’aplomb sur les deux hommes, et, dans la sombre figure qui le menaçait, Lansdell reconnut l’homme qu’il avait poursuivi jusqu’à Liverpool pour le seul plaisir de la chasse, — l’homme désigné sous une douzaine de noms différents sur les registres de la police, et qui était plus connu par le sobriquet familier de Jack le Scribe.

— Chien ! — s’écria Sleaford, — j’ai souvent rêvé à une rencontre comme celle-là pendant que je travaillais dans la pieuse boutique de Portland. J’y ai pensé souvent, et il me semblait bon, même en rêve, de te serrer le cou de mes deux mains. Chien ! tu n’auras que ce que tu mérites, si je t’étrille pour la peine que tu as prise cette nuit-là.

Il y eut une lutte, — une lutte courte et désespérée, dans laquelle les deux hommes luttèrent corps à corps, et la victoire parut incertaine. Mais la canne plombée de Sleaford siffla dans l’air et s’abattit une fois, deux fois, trois fois, avec un bruit sourd, sur la tête nue de Lansdell. Après le troisième coup, Jack le Scribe desserra la main qui étreignait la gorge du jeune homme,