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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/236

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LA FEMME DU DOCTEUR.

de son lit. Ceux qui le gardaient perdaient toute notion du temps. On aurait presque dit que le médecin avait toujours été malade. Il était difficile de se rappeler que moins de deux semaines auparavant il avait été un des habitants les plus actifs de Graybridge ; il était encore plus difficile peut-être de s’imaginer qu’il redeviendrait ce qu’il avait été.

Nul malade en proie à la triste douleur d’une fièvre obstinée, n’aurait pu désirer des gardes-malades plus entendus et plus dévoués que celles qui assistaient George. Pour Isabel, cette expérience d’une chambre de malade était absolument nouvelle. Elle avait vu son père indisposé pendant une journée de loin en loin, souffrant d’une maladie causée par la bile, disait-on, et qui avait lieu généralement après un dîner à Londres, en compagnie de certaines personnes distinguées de ses connaissances, suivi d’un retour discret au sanctuaire de son logis de Camberwell par la température fraîche qui précède les premiers rayons du jour. Elle avait entendu sa belle-mère se plaindre perpétuellement de divers maux, douleurs et élancements ; de roideur dans les côtes, les omoplates, les reins, et dans d’autres parties de sa charpente osseuse, et elle l’avait entendue faire des prédictions lamentables tendant à établir qu’elle mourrait prématurément, tuée par le souci et le tracas des enfants et les mille ennuis d’une famille nombreuse. Mais la maladie, la maladie véritable et dangereuse, avec son accompagnement solennel de voix basses et d’obscurité, de visages tristes et de pas légers, était absolument nouvelle pour la femme du médecin.

Si elle avait aimé son mari malade de cet amour romanesque que, pour son péché et son malheur, elle