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Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/237

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LA FEMME DU DOCTEUR

avait placé ailleurs, elle ne l’aurait pas gardé tranquillement dans cette chambre obscure. Elle se serait enfuie pour aller se rouler par terre quelque part, succombant sous le poids de sa douleur. Mais elle n’avait jamais eu d’amour pour George ; elle n’avait eu pour lui que cette tendresse féminine, qui était sa qualité principale, — cette affection sympathique pour tout ce qui souffrait ou ce qui était triste. C’était le sentiment qui la retenait au chevet du malade. Elle souffrait beaucoup pour lui et elle avait une peur effroyable qu’il mourût. La pensée qu’elle pourrait pénétrer, en franchissant le sombre gouffre de ce tombeau, dans les régions splendides habitées par Lansdell, ne pouvait trouver place dans son cœur. La mort, la mort terrible et inconnue, se tenait comme un géant sombre et farouche entre elle et ce qui commençait au delà de cette chambre de malade. Édith Dombey et Ernest Maltravers étaient également oubliés durant les longs jours et les longues nuits pendant lesquels les paroles que le médecin prononçait sous l’influence du délire rompaient seules le silence. L’imagination toujours active d’Isabel était occupée par des images plus terribles que celles que lui fournissaient ses livres. L’image d’un cortège funèbre dans la ruelle poudreuse, d’une tombe béante dans le cimetière familier, la poursuivait pendant qu’elle fixait les ombres noires projetées par la veilleuse de porcelaine et qui vacillaient en formes gigantesques sur le mur blanchi à la chaux.

Ah ! en songeant ainsi à l’heure sinistre qui l’attendait peut-être, elle pensait bien moins à Roland qu’avant l’époque qui avait précédé la maladie de son mari. Elle n’était pas coupable ; elle était seulement très-inconséquente. La pensée qu’il existait un beau